Nourrir les gens et la planète : le symposium Une alimentation au service des soins de santé

Des participants et participantes du symposium Une alimentation au service des soins de santé lèvent les mains pour signaler qu’ils voient un lien entre les valeurs personnelles et les valeurs organisationnelles lorsqu’il est question de nourriture.

Des participants et participantes du symposium Une alimentation au service des soins de santé lèvent les mains pour signaler qu’ils voient un lien entre les valeurs personnelles et les valeurs organisationnelles lorsqu’il est question de nourriture.


Comment établir un lien entre la santé des gens et la santé de la planète grâce à l’alimentation?
Nourrir la santé a organisé un symposium de deux jours à Evergreen Brick Works à Toronto. Celui-ci a réuni plus de 170 personnes des secteurs de la santé et de l’alimentation pour qu’elles puissent découvrir comment les soins de santé peuvent jouer un rôle crucial pour faire de l’alimentation un facteur crucial de santé et de guérison. L’événement a aussi permis aux 26 innovateurs et innovatrices Nourrir la santé, qui sont des gestionnaires de services alimentaires, des nutritionnistes et des leaders de partout au pays, de partager ce qu’ils ont appris au cours des deux dernières années et de développer le mouvement « L’alimentation au profit de la santé ».

Le symposium Une alimentation au service des soins de santé a débuté par une reconnaissance territoriale d’Emma Bilodeau, qui a fait un discours pour rendre grâce. Valerie King, qui représentait les Mississauga de Credit River, a souhaité la bienvenue sur le territoire et Isaac Crosby, le coordonnateur autochtone des jardins du site Evergreen, qui est de descendance noire et ojibwé, a souhaité la bienvenue à Brick Works. L’animatrice du symposium Hayley Lapalme a souligné l’importance de ces reconnaissances en partageant une leçon qu’elle a apprise de l’innovatrice Nourrir la santé Kelly Gordon : « Comment pouvons-nous parler d’alimentation et de santé sans parler de territoires avec les peuples autochtones? »

La programmation du symposium se concentrait sur une exploration ambitieuse du pouvoir de l’alimentation dans les établissements de soins de santé pour nourrir la santé des patients et patientes, des communautés et de la planète, et aussi transformer la relation que nous entretenons avec la terre, la santé et les autres.

Melanie Goodchild (Turtle Island Institute), Wendy Smith (Meal Source), Dr Tushar Mehta (urgentologue), Jennifer Reynolds (Food Secure Canada) et Stacia Clinton (Healthcare without Harm) nous font découvrir les systèmes de la santé et de l’alimentat…

Melanie Goodchild (Turtle Island Institute), Wendy Smith (Meal Source), Dr Tushar Mehta (urgentologue), Jennifer Reynolds (Food Secure Canada) et Stacia Clinton (Healthcare without Harm) nous font découvrir les systèmes de la santé et de l’alimentation.


Parcours expérientiels au sein des systèmes alimentaire et de la santé 

Le symposium Une alimentation au service des soins de santé se voulait un rassemblement pour discuter des liens qui unissent l’alimentation et la santé, ceux-ci étant complexes, culturels, personnels et à facettes multiples. La séance plénière d’ouverture intitulée Journey through the Food and Health System présentait divers points de vue pour examiner comment le lien entre les systèmes de santé et de l’alimentation doit être rétabli à l’époque des changements climatiques, de la réconciliation, de l’insécurité alimentaire et du nombre croissant de maladies liées à l’alimentation.

« Dans notre culture, le bien-être n’est pas l’absence de maladie, mais la présence d’équilibre. Il est important pour nous de nourrir l’esprit.  »
— Melanie Goodchild

Chez Nourrir la santé, nous sommes convaincu qu’il est utile de faire vivre aux gens des apprentissages expérientiels et axés sur la terre, puisque cela leur permet de découvrir des points de vue divers. En après-midi, les participants et participantes du symposium ont donc pu suivre quatre ateliers expérientiels différents. Des personnes ont visité le jardin Bickle de University Health Network (UHN) pour voir comment l’établissement utilise des jardins créés sur place pour améliorer la santé du personnel et des patients et patientes. D’autres se sont rendu à la Black Creek Community Farm, où ils ont été accueillis par le Black Creek Community Health Centre et Afri-Can FoodBasket pour découvrir les travaux communautaires qui sont faits dans le quartier Jane & Finch pour améliorer la sécurité alimentaire, la santé et le bien‑être grâce à une programmation agricole et alimentaire. Pour profiter de la beauté du site Evergreen Brick Works, Johl Whiteduck Ringuette (NishDish) a guidé une promenade médicinale au ravin Don. Les participants et participantes ont pu ainsi en apprendre plus sur les plantes locales et les herbes médicinales traditionnelles. L’exercice des couvertures de Kairos (Kairos Blanket Exercise) est une aventure expérientielle au cœur de l’histoire de la colonisation canadienne. Ceux et celles qui y ont participé l’ont décrite comme une expérience d’apprentissage puissante durant la séance de rétroaction accompagnée de pizza et de ragoût « three-sisters ». 

Des participants et participantes font une visite expérientielle de la Black Creek Community Farm.

Des participants et participantes font une visite expérientielle de la Black Creek Community Farm.


Guérir les gens et la planète

« Miichim est un mot tiré de la langue ojibwée qui veut dire nourriture. » Regardez le court documentaire intitulé Miichim sur l’équipe du Sioux Lookout MenoYaWin Health Centre (SLMHC) dans le nord-ouest de l’Ontario. Celle-ci s’efforce de servir des aliments traditionnels à ses patients et patientes autochtones dans le but de favoriser la santé et la guérison. La vidéo est en anglais avec des sous-titres français.

La deuxième journée du symposium Une alimentation au service des soins de santé a commencé par la première du court documentaire intitulé Miichim. Celui-ci porte sur l’innovatrice Nourrir la santé Kathy Loon et l’équipe du Sioux Lookout Meno Ya Win Health Centre dans le nord-ouest de l’Ontario qui servent des mets traditionnels aux patients et patientes autochtones. Le visionnement a été suivi par une conférence passionnante de Sheila Watt-Cloutier, une militante inuite mise en nomination pour le prix Nobel qui défend avec ardeur le « droit d’avoir froid » des Inuit du Nord. Sheila a parlé de l’importance de voir les changements climatiques non seulement comme une question politique, scientifique et économique, mais avant tout comme une question des droits de la personne. Elle a terminé en interpellant les gens à agir en ne perdant pas de vue l’interdépendance des questions à l’ordre du jour et en imaginant une autre façon de vivre ensemble pour rétablir le lien entre la santé des personnes et la santé de la Terre.

La militante écologiste mise en nomination pour le prix Nobel Sheila Watt-Cloutier donne une conférence passionnante sur l’interdépendance des gens et de la planète.

La militante écologiste mise en nomination pour le prix Nobel Sheila Watt-Cloutier donne une conférence passionnante sur l’interdépendance des gens et de la planète.

« Nous ne voulons pas être vus comme des victimes, mais comme des gens qui sont liés à leurs terres et leurs sources de nourriture, et comme des gens qui peuvent éclairer le chemin pour nous sortir du pétrin dans lequel nous sommes. »
— Sheila Watt-Cloutier

Les innovatrices Nourrir la santé Shelly Crack (Northern Health), Kelly Gordon (Six Nations Health Authority) et Kathy Loon (Sioux Lookout Meno Ya Win Health Centre) se sont ensuite jointes à Sheila Watt-Cloutier pour une discussion en groupe avec Hayley sur l’importance de chasser et de cueillir sur les terres. Elles ont aussi parlé des leçons de vie que les gens peuvent tirer de ces expériences. Elles ont mentionné la façon dont les aliments qui réconfortent et guérissent les gens sont aussi variés que les communautés qui les consomment. Elles ont expliqué qu’il est crucial que les établissements de soins de santé s’enracinent là où ils offrent des services afin de bâtir des relations avec les habitants et habitantes du territoire, et d’intégrer des approches axées sur les terres au processus de guérison.

Kathy Loon et Sheila Watt-Cloutier partagent un moment de complicité en tant que deux enseignantes passionnées issues de cultures de chasse pendant que Hayley Lapalme, Kelly Gordon et Shelly Crack regardent leurs aînées (et rigolent!).

Kathy Loon et Sheila Watt-Cloutier partagent un moment de complicité en tant que deux enseignantes passionnées issues de cultures de chasse pendant que Hayley Lapalme, Kelly Gordon et Shelly Crack regardent leurs aînées (et rigolent!).

Trois voies pour transformer l’alimentation dans les soins de santé

Les trois grands volets du symposium Une alimentation au service des soins de santé tournaient autour des projets collaboratifs de la cohorte Nourrir la santé sur l’innovation des services alimentaires, les habitudes alimentaires autochtones et les menus durables et l’approvisionnement.

Le volet Innovation des services alimentaires a pris son envol avec l’atelier The Hospital Tray: Patient Food Stories & Professional Paradigms, un exercice de cercle intérieur pour entendre la voix de patients et patientes, y compris Cheryl Prescod (Black Creek Community Health Centre), Serena Thompson (conseil consultatif patients-familles du ministre), Jillian et sa mère Cheryl (conseillères patients-familles au Holland Bloorview Kids Rehabilitation Hospital) et Sharon O'Keeweehow (conseil consultatif des patients, Saskatchewan Health Authority). En après-midi, les innovateurs et innovatrices Nourrir la santé ont présenté les résultats d’un processus visant la création d’un outil national pour mesurer l’expérience alimentaire des patients et patientes. Ils ont recueilli des données de 43 hôpitaux afin de catalyser un effort national pour l’appréciation et l’amélioration des repas. Ils ont également présenté des études de cas soulignant les avantages de la libéralisation des menus, des modèles de service aux chambres et de l’éducation du personnel pour améliorer l’expérience et accroître le choix des patients et patientes.

: Le cercle intérieur de la voix des patients et patientes durant le volet Innovation des services alimentaires du symposium.

: Le cercle intérieur de la voix des patients et patientes durant le volet Innovation des services alimentaires du symposium.

L’atelier Seeing through Two Eyes: Indigenous Foodways in Health Care du volet Les habitudes alimentaires autochtones a été animé par l’équipe du projet collaboratif Nourrir la santé du même nom. Les membres de l’équipe ont retracé leur parcours, qui est passé de la création d’un guide pratique pour une programmation alimentaire autochtone à une orientation plus axée sur l’écoute et l’établissement de relations avec des aînés et aînées, et des communautés. Une des grandes leçons apprises renvoie à l’importance pour les établissements occidentaux de suspendre leur jugement et de respecter les points de vue autochtones. L’atelier intitulé Land-Based Teachings with Traditional Knowledge Keepers a suivi. Les participants et participantes se sont regroupés à l’extérieur autour d’un feu en compagnie d’aînés et d’aînées métis et de Premières Nations.

La gardienne du savoir haïda Sue Gladstone offre une assiette aux ancêtres en compagnie de l’aînée haïda Margaret Edgars (à gauche) et de l’aînée métis May Henderson.

La gardienne du savoir haïda Sue Gladstone offre une assiette aux ancêtres en compagnie de l’aînée haïda Margaret Edgars (à gauche) et de l’aînée métis May Henderson.


Le volet Menus durables et approvisionnement a commencé avec l’atelier Practical Guide to Building Sustainable Menus, qui était animé par l’équipe du projet collaboratif des menus durables. Les membres de l’équipe ont parlé de la possibilité d’accorder une plus grande place aux protéines de sources végétales dans la transition vers des menus plus durables. Le Dr Tushar Mehta était aussi présent pour insister sur les avantages d’un régime à base végétale, tant pour les patients et patientes que pour la planète. L’équipe a annoncé le lancement prochain d’un guide numérique pour aider les équipes des services alimentaires dans les établissements de soins de santé à concevoir des menus plus durables et plus faibles en carbone. L’atelier de l’après-midi, Values-Based Procurement: Stories and Strategies, se penchait sur l’occasion d’ajouter une plus grande valeur sociale aux achats actuels. On y présentait des moyens pour permettre aux établissements d’acheter de la nourriture en fonction de considérations de qualité, par exemple des bienfaits sociaux et environnementaux, et non seulement du coût le plus bas. L’équipe a aussi invité les participants et participantes à faire l’essai d’un nouvel outil national de DP au cours de l’été 2019.


La nourriture de l’avenir dans les hôpitaux (2030)

Regardez de plus près. Vous voyez peut-être un cabaret d’hôpital, mais nous voyons une plateforme. Visionnez notre vidéo qui explique pourquoi nous pensons que l’alimentation est fondamentale pour la santé et le bien-être des patients et patientes, des communautés et de la planète.

Nourrir la santé voit le cabaret d’hôpital comme une plateforme pour se laisser aller à de grands rêves et transformer les systèmes de la santé et de l’alimentation. Nous nous demandons comment offrir confort et guérison aux patients et patientes, créer des communautés plus résilientes et aborder la santé planétaire et les changements climatiques (regardez notre manifeste vidéo Ode to the Hospital Tray qui est en anglais avec des sous-titres français). L’événement sur l’heure du dîner intitulé The Hospital Food Experience from the Future a projeté le public dans le futur, soit en 2030, pour vivre la transformation possible. Trois hôpitaux, CHEO, Holland Bloorview Kid’s Rehabilitation Hospital et Unity Health, ont été invités à collaborer sous le signe de la joie et de l’exubérance avec trois chefs « célèbres », le chef Rich Francis, la chef Joshna Maharaj et le chef Simon Wiseman. Les collaborateurs et collaboratrices devaient épater le public avec trois plats ambitieux reflétant ce à quoi pourrait ressembler la nourriture de l’avenir dans les hôpitaux. 

À quoi pourrait ressembler et que pourrait goûter la nourriture de l’avenir dans les hôpitaux? Lors du symposium L’alimentation au service des soins de santé organisé par Nourrir la santé à Toronto les 15 et 16 mai derniers, le public a été projeté en 2030 pour découvrir la nourriture de l’avenir dans les hôpitaux.

L’assiette végétale : Le chef du CHEO Simon Wiseman et les membres de son équipe, Darlène Arseneau, vice-présidente des services corporatifs et directrice financière, et Bernice Wolf, directrice des services alimentaires et commercialisés, ont préparé une assiette végétale qui a pris la forme d’un délicieux hamburger au tofu maison.   

Le bol réconfortant : La chef Joshna Maharaj et les membres de l’équipe Holland Bloorview, Julia Hanisgberg, présidente-directrice générale, Aman Siam, directeur des soins intégrés pour les clients et familles, et le duo de patientes mère-fille Jillian et Cheryl Peters ont préparé une recette de carottes rôties qui a été transformée en potage aux carottes, en salade de carottes rôties et en roulés de riz aux carottes.

Le plat autochtone : Le chef haudenosaunee et gwich'in Rich Francis a travaillé avec l’équipe de Unity Health, Maggie Bruneau, vice-présidente des programmes cliniques à Providence, et Heather Fletcher, directrice principale des services de soutien pour créer un saumon en croûte d’herbes servi avec du riz sauvage, du risotto d’avoine et de la compote de bleuet à la sauge sauvage.

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Le jury était composé de l’aînée haïda Margaret Edgars, de la nutritionniste Tessie Harris, de Abena et Aiden, âgés respectivement de 7 et 8 ans, du chroniqueur santé du Globe & Mail André Picard et de l’urgentologue Dr Edward Xie. Ils ont choisi ensemble les plats qui répondaient le mieux aux critères de réussite : bon pour les patients et patientes, bon pour la planète et bon pour le portefeuille.  

Les trois équipes ont fait preuve de beaucoup de créativité et d’effort au moment de préparer leurs plats. Le choix a été difficile, mais l’équipe Unity Health a réussi à gagner le vote du jury grâce à leur plat traditionnel de saumon. Le chef Rich Francis a conclu l’événement sur cette affirmation : « L’alimentation autochtone est la santé. »

Les équipes et les membres du jury du dîner Hospital Food Experience from the Future sont réunis pour célébrer.

Les équipes et les membres du jury du dîner Hospital Food Experience from the Future sont réunis pour célébrer.

Au bout du compte, les systèmes de la santé et de l’alimentation seront transformés par ceux et celles qui en font partie. Le symposium Une alimentation au service des soins de santé s’est terminé par un discours de Peter Senge, qui a demandé au public de partager en petits groupes leurs moments les plus touchants et percutants. Une culture de soins de santé qui se concentre sur la rareté et des contraintes de coûts à court terme limite l’ampleur de ce que nous pouvons réaliser collectivement. Comme l’a dit monsieur Senge : « Nous sommes capables de mesurer les coûts immédiats, mais nous sommes terribles à mesurer les coûts à long terme qui sont absorbés et payés par quelqu’un d’autre. » Il revient par conséquent aux dirigeants et dirigeantes des soins de santé, ainsi qu’aux citoyens et citoyennes de rester attentifs à la façon dont nous pouvons créer ensemble un système de santé capable de nourrir la santé des patients et patientes, des communautés et de la planète, comme le fait la nourriture. Les aspects physique, émotif et spirituel sont réellement interdépendants. 

« Le but n’est pas de détruire le mystère, mais de vivre plus en harmonie avec l’univers. Le but d’être humain est d’être attentif. »
— Peter Senge 
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